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N° 018 - Je lis pour... Pourquoi je lis?

Darline Alexis           Je commencerai par l’aspect le moins « romantique » de mes rapports à la lecture : lire est ma routine. Lire m’est devenu au fil du temps aussi naturel que dormir. Je sème les livres sur mon passage chez moi pour être certaine d’en avoir toujours un à portée de main. Je n’oublie jamais non plus d’en glisser dans mon sac à main. Et pour tout arranger à l’affaire, maintenant que c’est possible, j’en télécharge sur le téléphone. Ce n’est pas l’idéal pour les yeux, mais cela dépanne parfois !

 

Pour ce rapport privilégié aux livres, je ne remercierai jamais assez mes parents de m’avoir scolarisée dans une école dotée de petites bibliothèques de classe. Pour les enfants d’origine modeste dont les parents n’ont pas les moyens de mobiliser de l’argent pour l’acquisition de livres, l’école doit être le lieu de familiarisation avec cet objet. Cela est également valable pour ceux et celles dont les parents ont les moyens, mais n’y pensent pas parce qu’eux-mêmes ne lisent pas. Lire juste pour le plaisir, sans la crainte d’une évaluation quelconque, doit faire partie de l’horaire journalier de la classe.

 

J’ai eu la chance d’avoir des parents qui ont encouragé et nourri cette passion insufflée par l’école. Elles l’ont fait, disent-elles, car le goût du livre est un atout qui limite les déplacements et les fréquentations d’une « fille » grandissant dans des quartiers populaires. Adolescente, j’ai eu la permission d’aller m’approvisionner chez les bouquinistes de la rue de la réunion, de la cathédrale de Port-au-Prince et du marché en fer. Je me souviens de mes excursions à la ruelle Vaillant où des dames tenaient une boutique de livres d’occasion, La brocante, où se pratiquait le troc.

 

Lire empêche l’oisiveté et vous garde du « surveiller-rapporter » qui est un exercice stérile. Lire me protège des rumeurs ambiantes. Lire me permet de prendre de la hauteur pour considérer plus sereinement les défis qui s’imposent à moi et au monde alentour.

 

Je lis aussi parce que j’ai besoin de silence. Quand j’ouvre un livre, cela signifie que je ne suis plus disponible pour le monde extérieur. C’est la raison pour laquelle je lis tard le soir ou tôt le matin, la plupart du temps.

 

Lire m’oblige à me taire et donc à développer l’écoute. Lire c’est autoriser une autre voix à m’habiter de l’intérieur mais c’est aussi la possibilité de m’incarner en elle. Lire c’est engager à la fois mes mains, mes yeux, mon corps et mon esprit dans l’Autre : L’autre monde, l’autre culture, l’autre réalité, l’autre perception de la réalité.

 

Lire est mon antidépresseur ! Le choix du livre à lire peut-être fortuit mais, la plupart du temps, il est en corrélation avec ce qui se passe autour de moi. Je lis très rarement les ouvrages nouvellement acquis dans la foulée. Il y a le moment propice, la disposition d’esprit et l’état émotionnel à prendre en compte. Je lis certaines fois sur commande, par exemple, quand j’accepte d’animer une causerie avec des écrivains dont je ne connais pas encore les œuvres.

Je lis certains auteurs que dans des moments de grande sérénité et d’autres quand il faut objectiver la colère ou entretenir le rire. Quelques-uns me rappellent que le monde est beau (malgré tout) et contribuent à enrichir la collection d’images qui tapissent mon esprit. Dans certaines situations, j’ai parfois un sentiment de « déjà vu » et je me rends compte que cela est dû bien souvent au fait que des personnages ont été confrontés aux mêmes réalités dans des textes lus. Pour d’autres auteurs, c’est la force de la combinaison des mots. Il y a tellement de façons de dire les multiples facettes de la vie ! Et cela, on ne peut pas le savoir, si on ne lit pas.

 

Je lis parce que je vis dans un pays et dans un milieu où les égos sont surdimensionnés. Lire c’est avoir conscience, ce qui est bien plus que la simple connaissance, de tout ce qui a été dit ou fait avant nous. C ‘est prendre à chaque fois la mesure de notre insignifiance et de notre responsabilité en tant qu’être inscrit dans une temporalité longue de plusieurs millions d’années.  

 

Je lis avec ma fille et bien d’autres enfants, je crois que c’est l’un des plus grands cadeaux que je puisse leur faire. Voir se développer chez eux quelques réflexes du genre je vérifie si c’est vrai, je regarde comment c’est possible ; questionner le pourquoi des réactions des personnages, formuler très clairement un avis, argumenter une position, produire des contre-arguments, anticiper la suite des événements, décider de modifier l’histoire parce qu’on la juge injuste ou manquant de fantaisie, se mettre à la place de l’autre… constitue ma plus grande satisfaction.

 

Je termine cet exercice par un aspect plus terre à terre de la réponse, je lis aussi parce que cela fait partie de mon travail d’enseignante.

 

Darline Alexis

@moijelis

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