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N° 005 - Je lis pour mieux habiter mes rêves

Adlyne Bonhomme

C’est Rolande Kauss qui a dit, je cite : « Qui lit petit, lit toute sa vie ». Elle l’a martelé, et son propos sonne comme une vérité que rien ne semble pouvoir défier. Pourtant, j’ai connu une enfance entre le désir de lire et l’absence de livres. Mais cela ne m’empêche pas, quoique j’aie eu très tard accès aux livres, d’être une bonne lectrice et de jurer de l’être toute ma vie. Parce que je lis pour mieux habiter mes rêves.

J’ai grandi dans une section rurale. Quand j’étais petite, j’avais un rêve. Car les rêves les plus grands et les plus chers naissent avec l’enfance. À cette époque, je développais une grande passion pour la production écrite. C’était mon port d’attache. Et je voulais me marier avec de belles histoires. Mais je ne connaissais pas les livres qui le permettent. Pour mieux dire, mes parents me limitaient à des manuels scolaires. Il n’était aucunement question de livres d’occasion. J’avais pourtant souhaité donner de l’élan à mon imaginaire. Ouvrir mon horizon de lectures. Les livres étant absents et mon impuissance face à cela, criante, je me contentais de mes petites plongées au cœur des contes de Bouqui et Malice. Et certains autres que mon père inventait et me taillait de toute pièce, la nuit aux regards de la lune.

Je savais, depuis que j’étais gamine, que la lecture était primordiale pour moi. Surtout, je comprends aujourd’hui, quand on est destiné à écrire et à faire des œuvres littéraires. Et écrire n’est pas un jeu, l’a si bien dit Castera. Pour écrire, il faut se tremper de modèles. Et pour écrire ses propres histoires, il faut lire celles des autres. Je lis de tout, même de rien. De tout ce qui traine sur les bouts de papier à travers mon chemin. A ne rien lire du tout, je préfère lire même ce qui frise l’insignifiant. Et surtout, il faut toujours avoir de bonnes raisons de lire. Comme moi qui lis pour pouvoir mieux habiter mes rêves. Je lis pour me construire. Pour pouvoir écrire le monde. Je lis pour faire grandir mon rêve le plus cher, celui d’écrire. Je m’appuie sur cette citation d’Antoine Albalat qui dit : « la lecture est la base de l’art d’écrire ». À l’égard de toute cette impossibilité qui était mienne à accéder aux livres, des questions me tourmentaient l’esprit comme, pourquoi les livres sont-ils des objets de luxe dans les mornes ? Les gens des campagnes n’ont-ils pas le droit de lire ? Ce qui est à mon sens bizarre, c’est que, vingt ans après, ces mêmes questions reviennent. Ce qui prouve que la réalité n’a pas changé d’un piètre. Pourquoi la littérature est-elle une denrée aussi rare dans les zones rurales ?

Quand je lis, je me fais des exigences

Quand je lis un livre, je me fais des exigences. Je tente toujours de saisir la démarche de l’auteur et laisse le texte me capter et retenir mon attention. J’essaie de le respirer. J’en analyse la structure, la syntaxe, le vocabulaire, les figures de style et la manière dont elles sont utilisées. Je cherche à comprendre le contexte. Je cherche l’originalité de l’auteur. Ce qui fait de son texte, quelque chose d’unique. Cette grande passion de lire pour mieux habiter mes rêves est une démarche longue mais certaine. Je me partage entre la littérature, la philosophie et la science, pour susciter mon imaginaire d’écrivaine.

Pour moi, lire c’est voyager pour explorer le monde. Lire permet de mieux comprendre le monde, de l’aborder dans toute sa complexité. Lire, c’est s’identifier et mieux se connaitre. On lit pour enrichir les idées. Pour s’amuser. Pour se détendre. La vie est moins lourde, agrémentée de lectures. De beaux papiers. De belles plumes scientifiques ou littéraires. Comme ce poème des hommes de ‘’Haïti littéraire’’. Sensible. De haute volée. Fait d’images aussi gaies que le sujet est triste, mais laissez-moi partager avec vous ces lignes qui m’ont tellement marquées.

Dans ton secret il souffle un air de cendre et c’est la nuit qui vient à pas de pluie avec ses bras perdus de légendes muettes avec ses yeux perdus de départs repentis C’est la nuit… Et toi qu’en dis-tu Nous ne chanterons plus sur ces notes aveugles et nous irons la plume aux doigts

Sur l’élan de ta voix glissent nos vies vers l’aurore et la nuit et le sel de la mer Le rameau s’envole et c’est toi qui rêves Marie de danses tristes et de glaçons dans nos cœurs dans nos mémoires vendues Et c’est toi Marie… Nous ferons le cadavre exquis Tant pis pour l’heure la poésie dans nos yeux

Dans la coupure de ta paume tu retrouveras loin de nous la couleur de nos cœurs et les mots qui disent toute la pensée des rayons Marie !… c’est au-dessus des tours qu’on se voit Les doigts liés les bras autour de la moisson arrière tous nos serpents coupés arrière et que meure la chanson de la mort dans l’asphyxie de l’espace nos cœurs tremblant de trop de rêves

Et qui parlait de la légende de Villard songeait que toi tu fus cette légende chère à nous autres ô toi si pleine de légende de fumée et d’alcool ce sera entre nous neige et silence neige et silence quand tes pas s’élèveront vers le bleu

Ce sont Serge Roland Villard René et Thony et toute la semaille des étoiles mais l’hirondelle a passé aux lèvres un ciel entier et tu disais nos serments étouffés notre angoisse la corde au cou

Et pourtant nous avons conquis l’arc-en-ciel dans tes cheveux de nu

Adlyne Bonhomme

@moijelis

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