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N° 001 - Makeda, toujours entichée de son premier amour

Manzè Da et Makeda peandant l'entretien

Manzè Da et Makeda peandant l'entretien

Je fais partie des gens qui croient que les plus belles histoires d’amour sont celles vécues dans l’adolescence.  Dans cette période de notre existence, nous avons toutes les qualités qu’il faut pour rendre cette expérience exceptionnelle. Nous avons cette parcelle de folie qui la rend intense et passionnante. Nous sommes assez innocents pour idéaliser l’autre. Nous nous laissons ballotter par nos rêveries. Nous avons le courage nécessaire pour nous abandonner à la grande ballade. Pour l’artiste Christina Clodomir, ça a été plus qu’une histoire de cœur. Tous les autres organes, toutes les parties du corps, elle-même en entier a fait objet de cette belle rencontre. Ça a commencé avec la dance, lorsqu’elle avait 14 ans. Mais avant de fouiner dans le passé de l’artiste, guettons un peu, puisqu’elle nous l’autorise, l’intimité de son quotidien.

Des lithographies en édition limitée

Des lithographies en édition limitée

Oui, nous. Nous étions deux. Mon ami Gio Casimir qui m’accompagne dans cette belle aventure comme photographe, et moi toujours en quête de nouvelles lumières pour faire jouir ces mots qui se masturbent dans ma tête. Nous sommes arrivés chez elle au milieu de la journée. Le soleil était dans sa meilleure forme. Mais nous n’y avons pas fait attention. Du moins, pas particulièrement. Notre hôtesse nous a conduits à son atelier. Une pièce relativement grande, peinte en blanche. Elle est bien aérée, mais surtout bien décorée avec quelques une de ses œuvres,  de grandes toiles représentant des fleurs aux couleurs vives accrochées aux murs et d’autres en plus petit format alignées au sol. Il y a des tapis de yoga empilés dans un coin de la pièce, pas moins colorés que les autres articles qui garnissent la pièce, et qui ne dérangent pas la sérénité, ni le calme qui caractérisent l’espace. Il y dégageait une atmosphère aussi agréable qu’une tasse café à trois heures du matin. Elle nous a laissés seuls un moment pour se rafraîchir, j’ai profité de cet instant pour attirer l’attention de mon ami sur ma tenue qui ressemblait beaucoup à sa peinture. Un choix pas très innocent, d’ailleurs. Mais pourquoi elle peint des fleurs ?

Je ne peins pas des fleurs.

Pourquoi cette déclaration me fait-elle penser à René Magritte ?

N° 001 - Makeda, toujours entichée de son premier amour

L’image florale n’a pas toujours été le thème pictural de la peintre reconnue pour sa sensibilité et la dimension spirituelle de ses œuvres. Dans son répertoire, on trouvait plutôt des paysages, des femmes tribales d’Afrique et des portraits. D’après ce qu’elle nous a raconté, c’est en 2009, pendant qu’elle se trouvait assise dans un jardin à Kenscoff, plongée dans une profonde méditation, elle a entendu les fleurs lui susurrer un message assez puissant pour lui ouvrir les yeux sur sa propre mission. « J’ai compris alors que je n’étais pas en présence de fleurs ; ce sont des entités ». Dans sa peinture, elle invite le public à recevoir un message vivant de ces entités dont nous avons la mauvaise prédisposition à désacraliser.

La spiritualité, le sacré, la bonne vibration composent l’univers même de la yogini au corps d’une flexibilité à couper le souffle. Que ce soit dans la danse, le yoga ou la peinture, son plus grand intérêt reste la force spirituelle de la discipline, a-t-elle précisé. Il faut croire qu’elle porte bien le nom de la déesse Ghanéenne : Ama. Dans la tradition Akan du Ghana, il est donné à toutes les filles nées au jour de la déesse, le samedi ; d’être prénommées ainsi. Dans sa démarche de se retrouver et reconnaître ce qui dans son essence la rendait spéciale, elle s’est donnée ce nom accompagné de Makeda, emprunté à la reine de Sheba. La quête de soi peut être très poétique, n’est-ce pas ?

N° 001 - Makeda, toujours entichée de son premier amour

Ama Makeda a commencé à fricoter avec les couleurs et les pinceaux en 2006 pour devenir cinq ans plus tard une peintre autodidacte reconnue dans le monde entier. Ses tableaux sont exposés un peu partout en Haïti et à l’étranger. Elle participe assez souvent dans des résidences artistiques et ne manque jamais d’occasion pour présenter son énergie vitale à travers ses œuvres à un nouveau public. Elle a vécu des expériences merveilleuses grâce à la peinture. Et d’autres encore plus extraordinaires avec sa famille ; son fils Ménélik, son compagnon-complice Rebel Layonn avec qui elle vit depuis la brise des temps. Mais cette petite lueur que nous avons dans les yeux quand on parle du grand amour, nous la voyons dans son regard surtout lorsqu’elle nous raconte sa plus belle histoire d’amour : son corps.

Il n’y a pas plus belle chose que lorsqu’on est capable d’être à l’écoute de son corps.

N° 001 - Makeda, toujours entichée de son premier amour

Avec la dance, il y a eu chez Makeda, un début de prise conscience de sa corporalité. Cela ne pouvait pas tomber mieux, c’est au moment où se déploie sa puberté, avec toutes les transformations que cela entraine. C’est le moment où le corps réclame de l’attention et d’un peu d’amour. Avec le yoga, elle s’est réappropriée totalement son corps et rentre dans une dynamique d’apprentissage et de découverte continus d’elle-même.  Elle considère son corps comme son temple et se consacre à le protéger contre tout ce qui pourrait déranger cette paix suprême qu’elle entretient amoureusement avec lui. Son alimentation végétalienne, ses petites pauses de danses pendant les séances de peinture, des exercices de nettoyage, de longs moments d’introspection, les postures yogiques ; nombreuses sont les pratiques qui sécurisent cette étonnante harmonie préservée avec elle-même. En retour, puisque toute relation d’amour se base sur des échanges, il (son corps) ne lui impose aucune limite. Elle a une facilité extraordinaire des mouvements et ne souffre plus de douleur physique. Ils s’aiment et se protègent mutuellement. Et pour une fois, nous pouvons parier sur la constance de cet amour. De plus, cette conscience de soi lui favorise la transmission de l’expression vivante de sa personnalité à travers ses palettes.

N° 001 - Makeda, toujours entichée de son premier amour

Pour boucler l’entretien, Makeda nous a invités à entreprendre cette quête de soi parce que c’est la source de la plus grande vérité. La vérité qui rend libre. Son vecteur à elle, c’est le yoga, elle ne le lâcherait pour rien au monde. Et si un jour elle devait choisir entre ses trois disciplines…

« Je choisirais le yoga, je danserais sur le tapis et peindre avec mes orteils ».

 

Darline Gilles (Manzè Da)

Photographe: Gio Casimir

@intimi'thé

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